NOUVELLE DE SYLVAIN GAULTIER 3.B

(A la manière de E.Neuhoff : Ploraroïd )

de Sylvain Gaultier

        Première photo de Mégane sur scène, c’était à Londres, il y a un peu plus d’un an. Elle jouait son solo à la guitare. C’était magnifique. Toute la foule l’acclamait. Nous étions très contents pour une première montée sur scène.

        Là, nous sortions tout juste du concert, des adolescents voulaient des autographes. Nous leur en donnions. Mégane dessinait sa touche personnelle sur chacun : une sorte de petit bonhomme avec un cœur, ça la faisait rire. Elle est si belle quand elle rit.

        Cette photo-ci est mal rangée, elle devrait être ailleurs. Mais bon, ce n’est pas grave. C’était bien avant la formation de notre duo. Mégane prenait des cours de guitare et je la regardais. Nous n’étions pas encore ensemble. Mais nous nous aimions. Mais laissons ce cliché de côté et continuons.

        Ce magnifique portrait a été pris il y a sept mois. Nous jouions la première partie d’un concert à Paris. La salle était remplie. Les spectateurs sautaient partout en levant les bras. Mégane était plutôt calme peut-être pour éviter de  se décoiffer.

        Quel concert de folie celui-ci ! Nous interprétions nos propres musiques, c’était notre premier vrai concert. Les spectateurs remplissaient la salle et se marchaient dessus pour nous voir de plus prés. Je m’en souviendrai toute ma vie, c’est certain. Mégane aussi je pense. Un spectateur était monté sur scène et avait tenté de l’embrasser. Après ça, elle s’était installée à côté de moi. J’étais aux anges. Je pouvais sentir son parfum, le meilleur de tous.

        Ha ha ! Celle-là me fera toujours rire ! Mégane chantait. Elle faisait une grimace en même temps, mais ça n’enlevait rien à sa beauté. Nous étions à Berlin, invités à présenter quelques unes de nos chansons.

        Exceptionnel ! Magique ! Qu’est-ce que j’aime cette photo ! Mégane bondissait sans arrêt d’une cinquantaine de centimètres tout en souriant. Elle était merveilleuse. Je me demandais si ce n’était pas un ange à ce moment-là. Nous étions à Sydney, ma ville préférée. J’étais au paradis et elle aussi.

        Tout simplement extraordinaire. Son visage était entre l’obscurité et la lumière, une mèche de cheveux lui couvrait un oeil, elle avait un petit sourire en coin. On ne pouvait pas faire plus beau. Mégane était dans son fauteuil au bord de la scène. Elle adorait s’asseoir tout en jouant de la guitare. C’était lors du concert à Rome, un très grand concert, le dernier malheureusement. Elle était une œuvre d’art à elle seule, une huitième merveille du monde et on l’a détruite.

        Depuis l’accident, Mégane refuse de monter sur scène. Elle est défigurée, ne ressemble plus à rien. Si notre chauffeur n’avait pas passé le feu alors qu’il était rouge, nous n’aurions jamais été percutés par ce bus. Nous serions sur scène, nous composerions des musiques. Mais maintenant, elle ne veut plus rien faire, elle se laisse aller. Elle désespère,  elle ne fait que pleurer. Elle n’ose même plus se regarder dans le miroir. Je crois qu’elle veut se suicider.

                                                                                               Mireille Turcot